Quand on cherche à installer un chauffe-eau électrique à accumulation (souvent appelé cumulus ou ballon d'eau chaude) ou un chauffe-eau thermodynamique, une des premières questions à se poser est sa taille. Les fiches techniques des chauffe-eaux annoncent souvent des volumes
"idéaux" : "Un ballon de 200L pour 4 personnes", "300L pour les familles
nombreuses", etc. Voici un exemple de ce que peux proposer Castorama :
source : https://www.castorama.fr/idees-et-conseils/choisir-un-chauffe-eau/CF_CC_npcart_100383.art
Ou encore ce que peux préconiser Thermor (fabricant de chauffe-eau)
Mais ces recommandations, bien qu'utiles, sont souvent basées sur des hypothèses optimistes, sans tenir compte des habitudes réelles, du profil de consommation de chaque foyer, ni des pertes et phénomènes physiques comme la stratification. Alors, comment dimensionner au mieux son chauffe-eau ?
Partons d'un exemple de chauffe-eau électrique
Je vais prendre mon exemple : chez nous, nous sommes deux adultes et deux enfants. À cause de notre travail mais aussi des enfants en bas âge, on prend régulièrement deux douches par jour. Pas de bain, on a pas de baignoire. Le lave-vaisselle est branché sur le chauffe-eau et on fait peu de vaisselle à la main.
Si on regarde les préconisations de l'introduction on en déduit un volume entre 150 et 200L pour le ballon.
Nous avons un ballon électrique à accumulation de 200 L, réglé sur une température d'à peu près 55°C. En appliquant la conservation de l'énergie, on arrive à la formule suivante permettant de calculer la quantité d'eau chaude à 40°C disponible.
En prenant pour hypothèse que l'eau froide est à 8°C l'hiver et 18°C on peut calculer les volumes utiles suivants :
| Saison | Température eau froide (°C) | Eau chaude à 40°C obtenue (L) pour 200L à 55°C |
|---|---|---|
| Hiver | 8 | 295 |
| Été | 18 | 336 |
À partir de là on peut calculer la quantité d'énergie nécessaire pour chauffer cette eau. Faisons là une autre hypothèse, le rendement du chauffe-eau est de 90 %. Je vous donne la formule mais passe les calculs :
L'énergie thermique utile pour chauffer un volume V d'eau est :
- V : volume en m³ (1 m³ = 1000 L)
- c : capacité thermique volumique de l'eau ≈ 1,16 kWh/m³/°C
- ΔT : différence de température en °.
Pour l'énergie consommé, on divise par le rendement : ici 0,95. Ce qui donne :
| Saison | Eau froide (°C) | Eau chaude à 40°C (L) | Énergie utile (kWh) | Énergie consommée avec 95% rendement (kWh) |
|---|---|---|---|---|
| Hiver | 8 | 295 | 10.95 | 11.53 |
| Été | 18 | 336 | 8.58 | 9.03 |
C'est bien gentil tout ça mais qu'est-ce qu'on va bien faire de tout ces chiffres ??!
On peu les comparer aux consommations réelles. Mon chauffe-eau fonctionne généralement en heures creuses et grâce au compteur connecté j'ai accès à l'information de cette consommation. Si j'exclus les période où l'on reçoit des invités, j'arrive aux consommations suivantes :
| Saison | Énergie consommée (kWh) | Eau chaude produite à 40°C (litres) |
|---|---|---|
| Été | 6 | 222 |
| Hiver | 9 | 229 |
Ce qui correspond à peu près à l'énergie et à la quantité d'eau chaude d'un ballon de 150L à 55°C l'hiver. Là il faut me croire sur parole, j'ai assez fait de calculs.
Le problème c'est que c'est une moyenne. En général ça sera largement suffisant, surtout l'été. D'autant plus que personnellement ma douche est moins chaude que 40°C. Par contre, ça voudrait dire que, parfois, en hiver, le dernier qui se douche à de l'eau tiède. Je trouve ça très inconfortable.
Solution : augmenter la température de stockage.
Nouveau problèmes : en augmentant la température de stockage on augmente les pertes, car même si le chauffe-eau est isolé, cette isolation n'est pas parfaite. On augmente également la quantité de calcaire qui se dépose dans le ballon ce qui a pour effet de diminuer la quantité d'eau disponible. C'est le serpent qui se mort la queue !
La vrai solution c'est de prendre un volume plus grand. Dans notre cas 200L c'est idéal, d'autant plus que la maison nous permet de recevoir. Comme ça on bénéficie tous d'un bon confort et il vraiment rare qu'on soit embêté ! Ça nous permet de baisser la température de stockage, il y a moins de calcaire qui se forme et on fait quelques économies sur les pertes par stockage. La différence de coût entre un 150L et un 200L est peu importante (environ 50€ pour un Thermor Stéatis), si la place le permet autant opter pour le plus grand volume !
Prendre en compte les habitudes des occupants
J'ai aussi eu le cas de clients très sportif, vivant à 5 et qui se sont retrouvés à avoir des manques d'eau chaude avec un chauffe-eau de 300L. Ils avaient l'habitude d'avoir des heures creuses l'après-midi, ce qui permettait au chauffe-eau de faire l'appoint entre les douches du matin et celles du soir. À la suite de la suppression de ces heures creuses, il y a eu un manque de confort eu moment des douches le soir. La solution a été rapide à trouver : changer d'abonnement ou anticiper les douches nombreuses !
J'ai aussi eu des clients qui vivaient seuls où à deux dans des maisons pouvant accueillir mais qui se satisfaisaient de petits volumes en étant économes et en anticipant le réchauffage de l'eau avant la toilette.
Il est donc nécessaire de prendre en compte les habitudes des habitants mais aussi de la capacité de la maison. Lorsque l'on ne peut connaitre les habitudes des habitants, on peut se fier à la capacité de la maison et à quelques règles.
Compter les douches et estimer la consommation : 6 minutes à 8 L/min soit 48 L d'eau à 40° par douche. C'est une douche assez rapide avec un jet plutôt économique comme celui-ci chez hansgrohe. Mais ça peut être le double ! Ce qui donne une consommation de 32,6 L d'eau chaude l'hiver.
On peut ajouter pour la cuisine et la vaisselle : 20 L d'eau mitigée à 40°C soit 17,9 L d'eau chaude
Lave-vaisselle (si présent) : 1 cycle : eau chaude directe à 55°C : 12 L d'eau chaude
Divers (lavage mains, nettoyage) : Estimation : 8 L d'eau chaude
Donc pour une famille de 4 personnes, ça donne : 168,3 litres.
Si on veut remplacer une douche par un bain de 150 L soit 102 L d'eau chaude, on arrive à 237,7 litres d'eau chaude.
On se rend compte qu'on arrive à des résultats similaires à ce qui est proposé par les fabricants ! Ouf ! D'autant plus que souvent on ne prend pas des douches à 40 °C donc ça laisse un peu de marge pour une consommation supplémentaire !
Maintenant, imaginons qu'on prenne 3 douches à la suite avec un ballon de 200L, l'hiver. On consomme donc à peu près 100 L d'eau à 55 °C et rentre dans la ballon 100 L d'eau à 8°C. Si ça se mélange, on peut calculer une température dans le chauffe-eau de : 31,5 °C ! Ce qui est beaucoup trop froid pour prendre une douche, surtout l'hiver ! Ça voudrait dire que le dernier à se doucher passerait un moment désagréable. Donc j'ai tout faux ?
Non ! Heureusement ! J'ai fait des approximations et pris des hypothèses mais je ne pense pas être trop loin de la vérité. Ce qui se passe c'est qu'il y a de la stratification dans le cumulus !
La stratification dans les ballons d'eau chaude
Je vais parler des chauffe-eau verticaux. L'eau chaude étant moins dense que l'eau froide, elle a tendance à monter. On se retrouve donc avec de l'eau chaude en haut et de l'eau froide en bas. Et généralement, si on ne puise pas trop d'eau d'un coup et si le constructeur à bien fait son travail on a des couches à différentes températures. Ça ne se mélange pas. Pas trop ! De l'eau chaude à 55°C voire plus en haut, de l'eau froide en bas et au milieu un peu de mélange à une température intermédiaire : 30°C l'hiver ! C'est mieux avec un schéma !
C'est pour cette raison que les chauffe-eau horizontaux fournissent moins d'eau chaude à volume égal. La stratification est moins bonne ce qui oblige à monter en taille !
Blindés, stéatites, ACI. Lequel choisir ?
Le plus cher ! Je plaisante ! 🤡
Le blindé est moins cher à l'achat mais à éviter dans les régions calcaires. La résistance est plongée dans l'eau, donc dès qu'elle chauffe, le calcaire vient se fixer dessus. Ça obliger à investir dans un adoucisseur ou à détartrer régulièrement pour éviter les surconsommations voire les mise en sécurité du chauffe-eau. La cuve est généralement émaillée et protégée par une anode sacrificielle en magnésium. En gros l'oxygène contenu dans l'eau va dissoudre petit à petit la magnésium au lieu de faire rouiller la cuve. Anode à contrôler en vidangeant le chauffe-eau environ tous les 5 ans selon l'utilisation. Là où je suis, en Charente-Maritime, l'eau est trop calcaire et je n'installe jamais de blindé. Leur durée de vie est trop mauvaise.
Le chauffe-eau à stéatite est un peu plus cher mais dispose d'un fourreau dans lequel est disposée la résistance. Elle est facilement accessible en cas de panne. Ça fait une température plus homogène et donc moins de calcaire qui se dépose. Là aussi la cuve est protégée par une anode de magnésium à contrôler de temps en temps ! En profiter pour détartrer en l'absence d'adoucisseur.
Le chauffe-eau ACI dispose aussi d'une résistance à stéatite dans un fourreau mais la protection se fait grâce à une anode de titane inoxydable dans laquelle est injectée un peu d'électricité. L'avantage c'est qu'elle est inusable mais comme les chauffe-eau fonctionne généralement en heures creuses il lui faut une petite batterie pour fonctionner en heures pleines. C'est généralement elle qui tombe en panne au bout de 5 ans mais c'est pas très cher, facilement accessible et il y a une LED pour le signaler ! Il y a aussi plus d'électronique donc un autre risque de panne.
Enfin l'ACI hybride combine le système à électrode de platine et une anode de magnésium. Comme ça si vous oubliez l'entretien la durée de vie est quand même améliorée ! Mais c'est un peu plus cher ! Et ça n'empêche pas le tartre ! C'est généralement le système qui équipe les chauffe-eaux thermodynamiques. Ça ne justifie pas complètement le prix mais ça permet d'avoir un produit plus durable. Heureusement vu l'investissement !
Et les chauffe-eaux connectés ?
Il existe maintenant des chauffe-eaux dit "connectés" avec notamment des formes carrées et des volumes réduits. Ces appareil intègrent une régulation électronique qui va analyser vos habitudes de consommation. Par exemple deux douches le matin et trois le soir en semaine, souvent plus le weekend. Avec ces informations il va se maintenir un température plus basse mais anticiper la chauffe de l'eau pour pouvoir la fournir en quantité nécessaire au moment opportun tout en ayant un volume réduit. Ces chauffe-eau sont également connectable au Wi-Fi et peuvent généralement être commandés par l'application du constructeur, ce qui peut-être pratique en revenant de vacances !
Sur quelle température régler son chauffe-eau ?
Il peut être tentant d'installer un chauffe-eau un peu plus grand et de baisser la température pour limiter le calcaire et les pertes de stockage. Pourtant il est recommandé de ne pas régler la température de son ballon en dessous de 50°C pour éviter la prolifération des légionelles, bactéries responsables de la légionellose. La prolifération de ces organismes est grandement diminué à partir de 50°C mais ils ne sont détruits qu'à partir de 60°C. Les chauffe-eaux connectés intègrent pour la plupart un mode anti-légionelles qui va chauffer tout le ballon à plus de 60°C et détruire ces bactéries.
Pour des raisons d'économie d'énergie l'ADEME conseille de régler son chauffe-eau entre 50 et 55°C. À mon avis pour un ballon classique sans régulation intelligente et programme anti-légionelles il vaut mieux éviter de descendre en dessous de 55°C.
Conclusion
On peut donc suivre les conseils de dimensionnement des fabricants et vendeurs mais en pensant à les adapter à son mode de vie, à la configuration de son habitat et à son contrat d'électricité qui peut changer ! Si vous avez les moyens et la place, prendre une taille au dessus avec une bonne protection de cuve peut apporter du confort et de la tranquillité. Si votre budget est plus serré, un stéatite fera l'affaire là ou l'eau est calcaire et un blindé ailleurs ! Pour diminuer sa consommation, opter pour un chauffe-eau thermodynamique est un option à étudier !